J129 Face B: La dernière allumette

Ce dernier week-end avant le mois de décembre marque la fin de notre quatrième mois en Finlande. Partageons cette banalité: le temps passe aussi vite en étant expatriés.

Nous avons entamé le week-end avec le marché de Noël de l’école. L’ambiance était très chaleureuse, chaque classe  réserve ou non une table, sur laquelle sont exposées les choses à vendre, tant des jouets inutilisés, des objets fabriqués que des spécialités culinaires. L’argent récolté va ensuite dans la tirelire de la classe, et sert pour des achats ou sorties en extra de la vie scolaire. Par exemple, l’an passé tous les élèves de la classe sont allés manger une glace ensemble. On a acheté une couronne de porte et un pain typiquement finlandais, un « saaristolaisleipä », confectionné par une mamie d’élève. C’est un pain légèrement sucré qu’on trouve aux repas de Noël, préparé avec de la farine de seigle, de blé, du jus d’orange, du malt, du son de blé et du sirop de sucre noir qu’on ne trouve qu’ici. Il se mange avec du fromage cottage (« raejuusto »), du beurre, du saumon fumé… Tout à fait savoureux !

Nous avons mangé des nouilles en vitesse et tout laissé en plan, pas question de sortir après 13h30 si on veut avoir un peu de lumière (pas de soleil hein, juste de la lumière) étant donné que la nuit est là à 15h30. Nous sommes désormais dans le dur du sujet lumière : le jour se lève péniblement à 9h30, puis si le temps est nuageux, sans que ce soit obscur, il fait sombre, avec un pic de lumière semblable à une journée nuageuse d’hiver en Bretagne vers midi, pour ensuite décliner jusqu’à la nuit noire à 16h. Le corps a besoin de ralentir, on le sent, c’est comme se déplacer dans l’eau: on avance mais il y a une résistance. Mais il en faut plus pour nous arrêter, nous avons acheté des saucisses, emporté des allumettes et de la brioche, direction un petit-lac-dont-on peut-faire-le-tour.

Évidemment le temps de se préparer et d’acheter des saucisses il faisait déjà presque nuit. À 16h on a voulu allumer un feu pour griller nos saucisses. Il pleut et c’est très humide, il nous faut donc trouver de l’écorce de bouleau qui brûle en toutes circonstances. Nous voilà à essayer d’arracher des lambeaux à la force de nos petits doigts. Avec quelques petits morceaux et des bûches humides savamment disposées par-dessus, ça devrait marcher, me dis-je avec confiance. Il y a trente allumettes dans la boîte. Cinq craquées et le feu prend. Puis s’éteint. Maxime part chercher le couteau dans la voiture en courant pour couper du bouleau. Pendant ce temps, même si c’est difficile de bien viser pour arracher de l’écorce avec la lumière de la lampe dans les yeux que Solal dirige vers moi à grand peine et avec Achille qui demande « combien d’allumettes il te reste maman tu vas y arriver maman je pourrai avoir deux saucisses maman je vais me faire une torche maman », je parviens à avoir un peu plus de bouleau (comme si je n’en avais pas déjà assez du boulot, hahaha) et à réinstaller mes bûches tièdes. Un bon nombre d’allumettes y passe, crac pfuit éteinte, crac pfuit éteinte… Soudain il n’en reste qu’une seule. Dans un mélange de bravade et de fierté féministe, oui, j’ai craqué la dernière, parce que c’est moi qui allume le feu ici (non mais oh). Et le feu a pris, nous permettant de griller bien tranquillou nos saucisses qui pendouillaient au bout d’un bâton trop mou presque sans les brûler, et de repartir heureux pour une marche nocturne dans nos manteaux fumés.

Le lendemain on est allés voir un championnat de skate dans une friche industrielle, où il y a aussi des ateliers d’artistes et artisans, des muraux, des graffs, un manoir avec un café où se jouait un petit concert de musique de chambre et une belle vue sur Tampere. C’était une belle sortie éclectique de bobo à Hiedanranta pour cette fin de week-end.

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