Auteur/autrice : Clémentine Paré

  • J31 Le sauna

    Cette histoire se passe au camping d’Ikaalinen, il y a deux semaines. Nous sommes au bord du lac, Achille est déjà dans l’eau bien qu’elle soit froide comme la Manche en juin, 15 degrés à peu près. Des dames sortent de la cabane qui est reliée au ponton par un chemin de planches. Leur peau est rouge et marbrée. Elles entrent dans l’eau froide sans hésitation et font quelques longueurs de brasse.

    Une femme m’appelle en anglais, j’entend mal, je dis what ? en bonne française encore mal habituée aux rudiments polis de la langue. Elle m’indique que si j’aime le sauna, c’est le tour des femmes jusqu’à 18h30. Ni une ni deux, après avoir rapidement consulté Maxime, me voilà partie vers la cabane, avec Achille sur les talons qui tient à m’accompagner. Cet enfant est décidément né Finlandais à l’intérieur. Il boude de ne pouvoir venir, mais la porte entrouverte sur un corps nu fini de le convaincre que c’est l’heure des femmes, et qu’il n’y est pas convié, même en qualité de petit garçon. Donc j’entre, il fait chaud, un feu brûle dans le poêle d’un petit salon à l’entrée. D’abord, il y a la salle où l’on se change. Je pose mon drap de bain sur le banc, je retire consciencieusement mon maillot avec en tête le souvenir de mon arrivée de touriste en maillot de bain, parmi toutes les autres femmes nues dans les douches de la piscine la semaine dernière. J’entre dans la salle des douches, je me mouille, je ne sais pas très bien s’il faut que je me lave, mais de toute façon je n’ai pas de savon donc je fais semblant. Il faut bien que je me fasse à l’idée, je suis la Française qui fait des trucs bizarres. Dernière porte, celle du sauna.

    J’entre, la chaleur est si bonne, j’avais froid dehors, c’est parfait. Je m’assois sur la place à droite en entrant, à l’opposé du poêle (ou tout autre nom que porte le truc qui chauffe avec des pierres dessus). Là, ceux qui savent sourient. Je comprend vaguement « lämmin » et « kuuma », et une lumière s’allume dans mon cerveau, lämmin = chaud, kuuma = très chaud. Je suis au point le plus chaud du sauna. Les dames sont pleines d’attention, me demandent si je veux changer de place, mais j’avais froid, ça tombe bien ça me réchauffe, et mon amour propre mal placé me dicte de rester là. Une dame met de l’eau sur les pierres, une vague de chaleur arrive jusqu’à moi. Puis une autre, et encore une, à chaque fois elle me regarde pour vérifier mon approbation (ou que je ne vais pas tomber dans les pommes peut-être), et à chaque fois tout mon corps transpire en même temps que mon coeur s’accélère. Je parviens à baragouiner « okay now it’s enought for me » avec un sursaut dans la voix. Je remets mon maillot, je sors, je marche sur les planches fraîches, le ciel moutonne, l’eau miroite, le soleil éclaire la rive en face, les arbres, la cabane rouge, tout est beau, je rentre dans l’eau en descendant par la petite échelle au bout du ponton, je me délecte dans une quasi ivresse, du contraste entre la chaleur de ma peau et la fraicheur de l’eau.

    La dame m’indique que si Maxime veut y aller avec les enfants il pourra juste après. Avec les enfants ? C’est autorisé ? Elle me dit qu’elle n’a jamais vu nulle part un sauna interdit aux enfants. Et les bébés y vont aussi ! Cette nouvelle fait la joie des enfants, un peu moins celle de Maxime qui se retrouve avec deux diablotins qui mettent l’ambiance, tout en stressant de faire une bêtise, de les mettre en danger, car en France les enfants sont proscrits du sauna… L’expérience a été réitérée avec plus de sérennité à la piscine du quartier (5 minutes à pieds!), qui comporte dans chacun des vestiaires deux saunas immenses. Le bonheur !

  • Miscellanées #2

    Les fenêtres de notre appartement sont doubles, en plus du double vitrage, comme dans notre air bnb à l’arrivée. Autant vous dire qu’on n’improvise pas le nettoyage des vitres entre deux tâches (je n’ai pas osé le « entre deux portes » mais le coeur y est), puisque pour une fenêtre composée de deux parties, ça fait 8 vitres.

    Devant la plupart des entrées d’immeubles, on trouve un brosse chaussure. Je pense qu’on peut en conclure qu’à un moment de l’année nos chaussures seront très sales.

    Le munkki est un beignet à la cardamome typique du coin, souvent présenté sous la forme d’un anneau, comme un donut. Sauf là, comme une boule de pâte frite, mais il est tout autant délicieux.

    Depuis une semaine Achille va à l’école à pieds tout seul, comme beaucoup d’enfants en Finlande.

    Il y a un placard-égouttoir au-dessus de l’évier, visiblement c’est une spécificité des cuisines finlandaises, et franchement c’est très pratique.

    On trouve des Moomins sur tous supports: vêtements, aliments, emballages, vaisselle… Même le tramway en est couvert !

  • J28 Pispala et Pyynikki

    Nous avons profité d’un beau samedi ensoleillé pour nous promener un peu du côté du quartier de Pispala, jadis ouvrier et désormais plutôt chic. Le coin est escarpé, les maisons sont construites en bois sur les hauteurs et ont vue sur le lac.

    Les maisons rose pâle, vert d’eau, bleu ciel, rouge de sienne, jaune ocre partagent le paysage avec toute la gamme de verts de la végétation et le rouge des baies des sorbiers des oiseleurs. C’est très beau, les couleurs sont éclatantes bien qu’elles soient pastel.

    Il est 10h30, nous sommes déjà fin août et le soleil projette les ombres longues particulières aux lumières d’automne.

    De chaque côtés de l’esker, des escaliers descendent vers l’un des deux lacs qui bordent la ville. On a opté pour le plus court, l’heure du déjeuner approchant, les forces quittent peu à peu certaines personnes de l’équipe.

    Nous ne sommes pas des touristes très organisés, depuis notre arrivée nous préférons flanner et nous laisser surprendre. Grâce à ce choix judicieux nous sommes arrivés au pied du plus vieux sauna de Finlande encore en activité, ouvert en 1906.

  • J25 Judo

    Achille a commencé le judo en finnois, ça ressemble beaucoup au judo en français, sauf qu’on ne comprend rien. L’avantage c’est que les noms de prises sont en japonais.

    L’endroit est incroyable, il faut entrer littéralement sous terre, par une grande rampe d’accès. Le gymnase est gigantesque, il faut au moins 10 minutes de marche rapide pour arriver au bout. Il y a de nombreuses salles de muscu, d’arts martiaux, sauna… La salle de budo 4 où se tient le cours d’Achille, comporte trois tatamis séparés par des rideaux. Nous avons appris peu après que ce gymnase souterrain est un bunker auquel auront accès les habitants de la ville dont l’immeuble ne possède pas son propre refuge.

  • J24 Épisode administratif

    Le théâtre derrière chez nous

    Chaque jour est une aventure et nous apporte son lot d’émotions, de victoires et de défaites. Le lendemain de la rentrée et du déménagement, Maxime avait rendez-vous à la banque OP, dans l’espoir -sans grande conviction- d’avoir une authentification forte instantanée. Un banquier en costume, tête et politesse parfaitement lisse, l’accueille dans le hall par son prénom. Il le fait entrer dans une pièce capitonnée, sans fenêtres et insonorisée, en lui parlant très doucement; une main de fer dans un gant de velour. Maxime sourit mais il n’est pas tout à fait détendu. Une fois le compte ouvert, le banquier aide Maxime à installer l’application de banque et à s’authentifier avec une procédure hyper sécurisé. Le rendez-vous dure une heure, le banquier lui remet une carte avec 300 codes d’authentification forte pour le cas où le téléphone de Maxime, qui est désormais le sésame de toutes les portes blindées virtuelles qu’on pourrait rencontrer, ne fonctionnerait pas. La joie d’avoir enfin le graal de l’authentification forte est telle, que le fait de sortir vivant de ce rendez-vous digne des meilleurs films d’espionnage passe complètement au second plan.

    Maintenant qu’on est authentifiés sur Tori, c’est la folie de l’achat d’occasion. J’achète une bicyclette dorée qui n’est pas sans rappeler ma première voiture, une twingo première génération dorée, qui allait parfaitement bien avec la 206 break tout aussi dorée de Maxime, quand on s’est rencontrés.

    Le soir même, une fois les enfants couchés nous sommes tous contents de pouvoir enfin finaliser l’inscription au service e-vaka, permettant de faire le suivi de Solal au päiväkoti. Mettez-vous en tête un son d’ordinateur qui bugue (façon message d’erreur windows), car oui, ce qui suit est un nouveau rebondissement dans les affres de l’administration finlandaise. On se connecte à e-vaka, victoire ! Et là, et bien ça ne marche pas. Si Maxime est bien connecté, Solal quant à lui n’apparaît pas. Voilà.

    Maxime qui attend dans la file d’attente

    Notre optimisme est vraiment à toute épreuve, ça nous fait rire (jaune, d’accord). Heureusement jeudi matin, c’est journée sans rendez-vous à DVV. J’y dépose Maxime, qui prend le ticket 09 à 9h. Après 2h d’attente, il ressort avec pour réponse que tout est normal, c’est juste que l’enregistrement prend entre trois et six mois.

    Ça vaut bien une petite photo de chats rigolos (toujours pas de chats dans les rues d’ailleurs)
  • J23 Päiväkoti et déménagement

    De « päivä », jour et « koti », maison. Voilà un article aussi long que cette journée bien remplie.

    Le lundi 18 août, nous avons emmené Solal pour sa rentrée, à 8h30. En réalité, beaucoup d’enfants sont déjà revenus de vacances depuis deux semaines. Le päiväkoti se trouve tout près de chez nous, dans le quartier d’Amuri. La journée commence par le petit déjeuner, du porridge et des fruits, que les enfants se servent dans la classe entre 8h et 8h45. On est déjà venu visiter la semaine passée, Solal est à l’aise, et il a tellement envie de venir que sitôt ses affaires posées, le voilà parti. Avec ses cheveux blonds il se fond totalement parmi les enfants du groupe, qui ont tous le même âge que lui. Cela étonne les mamans présentes, de voir ce petit garçon qui ne parle pas un mot de finnois partir avec autant de décontraction. On apprend le lendemain qu’un clip musical va être tourné avec les enfants pour une chaîne nationale. La célébrité est à notre porte, ça compense un peu nos nouveaux cheveux blancs (poils de barbe pour certains).

    En Finlande, les enfants commencent l’école à 6 ans, en grade 0 appelé « eskarit ». C’est une classe préparatoire à l’école, qui correspondrait au CP en France, sans être vraiment consacrée à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Solal aura 5 ans en décembre, et n’est par conséquent pas concerné, il doit aller dans un « päiväkoti », un jardin d’enfant. L’inscription à l’école et au jardin d’enfant est la première démarche qu’on a effectué avant de partir, en février. Les recherches ont été longues, et il a fallu ruser pour passer à travers les demandes d’authentification forte et de numéro national, qu’on était bien loin d’avoir. Achille a dû passer un test de français pour vérifier son niveau de langue, et on a vite été rassuré sur le fait qu’il pourrait aller à l’école bilingue.

    Pour Solal, le päiväkoti est également bilingue, mais avec un peu moins de pratique, le français représentant environ 25 % du temps de parole. Dans sa section, il y a 19 enfants, deux éducatrices (dont une bilingue) et une assistante. C’était difficile de nommer le jardin d’enfant auprès de Solal : d’abord on l’a appelé « la crèche », ce qui passait relativement mal et qui lui a sûrement fait raconter à ses copains qu’il allait être avec des bébés. Puis « le jardin d’enfant », mais c’est un terme qui, même si je le trouve joli, reste certainement assez flou pour lui : peut-être qu’il se représente un jardin comme celui de notre maison, avec plein d’enfants partout. On a finalement opté pour l’appeller « l’école », en se disant que c’était le plus rassurant. Avec le recul, peut-être que l’appeller simplement « päiväkoti » serait le plus approprié, car on peut associer à ce nouveau mot ce que Solal vit réellement dans ses journées là-bas.

    Les enfants arrivent en général au päiväkoti vers 10-12 mois, souvent un peu plus. Comme pour la crèche en France, les horaires sont libres, le lieu ouvre à 7h30 et ferme à 17h. Un des objectifs de ces premières années de collectivité, ou d’accueil familial, car c’est une option qui existe, est de donner aux enfants la motivation intrinsèque d’apprendre. Le jeu est valorisé comme ce qui permet aux enfants de grandir et de développer toutes leurs capacités. Mon sentiment après ces trois premières semaines d’observation au parc, et après une discussion avec une des éducatrices du päiväkoti, est qu’ici, les adultes accordent aux enfants une grande confiance et leur laissent le temps d’être des enfants (entendre ici : jouer, jouer, jouer, et aussi faire des bêtises, piquer des colères ou regarder une fourmi pendant de loooongues minutes).

    Après la rentrée de Solal, nous avons posé nos dernières valises dans l’appartement que nous habiterons jusqu’en juillet 2026. La deuxième clef nous attend sur la table, l’appartment est tout propre, et en remontant les stores, le soleil innonde les chambres. Le propriétaire nous a laissé le nécessaire, nous avons même le luxe d’un lave-vaisselle et d’une machine à laver. Il ne nous reste qu’à acheter un matelas pour Solal puisque le lit en lui même n’est pas nécessaire, il en tombe toujours. Et peut-être un canapé lit, sur Tori, quand on aura trouvé comment s’authentifier.

    Nous sommes au sixième étage (le balcon en haut à droite), et de la fenêtre de la chambre, nous voyons les décors en préparation du théâtre. Au loin, des collines, de vieilles cheminées d’usines et au-dessus, le ciel, on ne voit que lui si on s’allonge dans le salon. C’est suffisant. Notre intérieur minimaliste n’a rien à envier à celui de Marie Kondo. Heureusement, grâce au sac de légos, on peut quand même en mettre partout.

    Qui dit déménagement, dit Ikea. S’il y a bien une chaîne, en plus de Mc Do et Burger King, qu’on a croisé dans chacun des pays traversés pour venir jusqu’ici (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Danemark et Suède), c’est celle-ci. On s’est habillés spécialement pour l’occasion, mais on n’a même pas eu de remise.

    Par contre c’est un peu comme passer dans une autre dimension : sitôt les portes franchies, cette spécifique odeur de bois compressé et de cannelle nous accueille et on a l’impression d’être à Ikea Pacé. On a acheté le minimum, à peine plus. Les coussins étaient tout à fait nécessaires pour habiller notre tapis-canapé.

    Ce qui est drôle, c’est qu’on est d’abord sortis sans le matelas pour lequel on y allait au départ, mais n’est-ce pas le propre d’Ikea ? D’y aller pour acheter quelque chose de particulier et d’en ressortir avec un tas de merdouilles imprévues ?

    Au fond à droite, un enfant HS, même en finissant les journées à 15h15.

  • J22 De Ikaalinen à Nokia

    Dimanche 17 août, 9h30.

    « Regarde c’est si beau ce matin, moi je vais me baigner ! » me dit Achille. C’est vrai qu’il fait beau, mais l’eau est toujours à 15°C. Il se baigne un temps non négligeable, puis nous rangeons la cabane et chargeons nos affaires dans la voiture. On se demande comment on a fait pour amener toutes nos affaires depuis la France, vu la difficulté à ranger les seules affaires qu’on a pris pour le week-end (le reste étant déjà dans l’appartement qu’on récupère lundi).

    Nous retournons à la cantine pour déjeuner. Au menu: bouillabaisse, boulettes de viande ou escalope milanaise (qui nous rappelle celles qu’on trouvait partout en Argentine) avec des patates et des légumes, et en dessert de la salade de fruit, surmontée d’une sorte de chantilly au chocolat, que les enfants se sont servi comme un dessert à part entière.

    Après une jolie promenade à travers le cimetière et les maisons en bois colorées, nous avons pris la route en direction de l’hôtel Scandic qui se trouve à Nokia, près de Tampere. Le grand luxe, avec une chambre pour nous quatre, nous avions les entrées à la piscine digne d’un center parc et le petit déjeuner avec à peu près tout ce qu’on veut (sauf le temps de le finir avant de partir à l’école le lundi matin).