Chaque jour est une aventure et nous apporte son lot d’émotions, de victoires et de défaites. Le lendemain de la rentrée et du déménagement, Maxime avait rendez-vous à la banque OP, dans l’espoir -sans grande conviction- d’avoir une authentification forte instantanée. Un banquier en costume, tête et politesse parfaitement lisse, l’accueille dans le hall par son prénom. Il le fait entrer dans une pièce capitonnée, sans fenêtres et insonorisée, en lui parlant très doucement; une main de fer dans un gant de velour. Maxime sourit mais il n’est pas tout à fait détendu. Une fois le compte ouvert, le banquier aide Maxime à installer l’application de banque et à s’authentifier avec une procédure hyper sécurisé. Le rendez-vous dure une heure, le banquier lui remet une carte avec 300 codes d’authentification forte pour le cas où le téléphone de Maxime, qui est désormais le sésame de toutes les portes blindées virtuelles qu’on pourrait rencontrer, ne fonctionnerait pas. La joie d’avoir enfin le graal de l’authentification forte est telle, que le fait de sortir vivant de ce rendez-vous digne des meilleurs films d’espionnage passe complètement au second plan.
Maintenant qu’on est authentifiés sur Tori, c’est la folie de l’achat d’occasion. J’achète une bicyclette dorée qui n’est pas sans rappeler ma première voiture, une twingo première génération dorée, qui allait parfaitement bien avec la 206 break tout aussi dorée de Maxime, quand on s’est rencontrés.
Le soir même, une fois les enfants couchés nous sommes tous contents de pouvoir enfin finaliser l’inscription au service e-vaka, permettant de faire le suivi de Solal au päiväkoti. Mettez-vous en tête un son d’ordinateur qui bugue (façon message d’erreur windows), car oui, ce qui suit est un nouveau rebondissement dans les affres de l’administration finlandaise. On se connecte à e-vaka, victoire ! Et là, et bien ça ne marche pas. Si Maxime est bien connecté, Solal quant à lui n’apparaît pas. Voilà.
Maxime qui attend dans la file d’attente
Notre optimisme est vraiment à toute épreuve, ça nous fait rire (jaune, d’accord). Heureusement jeudi matin, c’est journée sans rendez-vous à DVV. J’y dépose Maxime, qui prend le ticket 09 à 9h. Après 2h d’attente, il ressort avec pour réponse que tout est normal, c’est juste que l’enregistrement prend entre trois et six mois.
Ça vaut bien une petite photo de chats rigolos (toujours pas de chats dans les rues d’ailleurs)
De « päivä », jour et « koti », maison. Voilà un article aussi long que cette journée bien remplie.
Le lundi 18 août, nous avons emmené Solal pour sa rentrée, à 8h30. En réalité, beaucoup d’enfants sont déjà revenus de vacances depuis deux semaines. Le päiväkoti se trouve tout près de chez nous, dans le quartier d’Amuri. La journée commence par le petit déjeuner, du porridge et des fruits, que les enfants se servent dans la classe entre 8h et 8h45. On est déjà venu visiter la semaine passée, Solal est à l’aise, et il a tellement envie de venir que sitôt ses affaires posées, le voilà parti. Avec ses cheveux blonds il se fond totalement parmi les enfants du groupe, qui ont tous le même âge que lui. Cela étonne les mamans présentes, de voir ce petit garçon qui ne parle pas un mot de finnois partir avec autant de décontraction. On apprend le lendemain qu’un clip musical va être tourné avec les enfants pour une chaîne nationale. La célébrité est à notre porte, ça compense un peu nos nouveaux cheveux blancs (poils de barbe pour certains).
En Finlande, les enfants commencent l’école à 6 ans, en grade 0 appelé « eskarit ». C’est une classe préparatoire à l’école, qui correspondrait au CP en France, sans être vraiment consacrée à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Solal aura 5 ans en décembre, et n’est par conséquent pas concerné, il doit aller dans un « päiväkoti », un jardin d’enfant. L’inscription à l’école et au jardin d’enfant est la première démarche qu’on a effectué avant de partir, en février. Les recherches ont été longues, et il a fallu ruser pour passer à travers les demandes d’authentification forte et de numéro national, qu’on était bien loin d’avoir. Achille a dû passer un test de français pour vérifier son niveau de langue, et on a vite été rassuré sur le fait qu’il pourrait aller à l’école bilingue.
Pour Solal, le päiväkoti est également bilingue, mais avec un peu moins de pratique, le français représentant environ 25 % du temps de parole. Dans sa section, il y a 19 enfants, deux éducatrices (dont une bilingue) et une assistante. C’était difficile de nommer le jardin d’enfant auprès de Solal : d’abord on l’a appelé « la crèche », ce qui passait relativement mal et qui lui a sûrement fait raconter à ses copains qu’il allait être avec des bébés. Puis « le jardin d’enfant », mais c’est un terme qui, même si je le trouve joli, reste certainement assez flou pour lui : peut-être qu’il se représente un jardin comme celui de notre maison, avec plein d’enfants partout. On a finalement opté pour l’appeller « l’école », en se disant que c’était le plus rassurant. Avec le recul, peut-être que l’appeller simplement « päiväkoti » serait le plus approprié, car on peut associer à ce nouveau mot ce que Solal vit réellement dans ses journées là-bas.
Les enfants arrivent en général au päiväkoti vers 10-12 mois, souvent un peu plus. Comme pour la crèche en France, les horaires sont libres, le lieu ouvre à 7h30 et ferme à 17h. Un des objectifs de ces premières années de collectivité, ou d’accueil familial, car c’est une option qui existe, est de donner aux enfants la motivation intrinsèque d’apprendre. Le jeu est valorisé comme ce qui permet aux enfants de grandir et de développer toutes leurs capacités. Mon sentiment après ces trois premières semaines d’observation au parc, et après une discussion avec une des éducatrices du päiväkoti, est qu’ici, les adultes accordent aux enfants une grande confiance et leur laissent le temps d’être des enfants (entendre ici : jouer, jouer, jouer, et aussi faire des bêtises, piquer des colères ou regarder une fourmi pendant de loooongues minutes).
Après la rentrée de Solal, nous avons posé nos dernières valises dans l’appartement que nous habiterons jusqu’en juillet 2026. La deuxième clef nous attend sur la table, l’appartment est tout propre, et en remontant les stores, le soleil innonde les chambres. Le propriétaire nous a laissé le nécessaire, nous avons même le luxe d’un lave-vaisselle et d’une machine à laver. Il ne nous reste qu’à acheter un matelas pour Solal puisque le lit en lui même n’est pas nécessaire, il en tombe toujours. Et peut-être un canapé lit, sur Tori, quand on aura trouvé comment s’authentifier.
Nous sommes au sixième étage (le balcon en haut à droite), et de la fenêtre de la chambre, nous voyons les décors en préparation du théâtre. Au loin, des collines, de vieilles cheminées d’usines et au-dessus, le ciel, on ne voit que lui si on s’allonge dans le salon. C’est suffisant. Notre intérieur minimaliste n’a rien à envier à celui de Marie Kondo. Heureusement, grâce au sac de légos, on peut quand même en mettre partout.
Qui dit déménagement, dit Ikea. S’il y a bien une chaîne, en plus de Mc Do et Burger King, qu’on a croisé dans chacun des pays traversés pour venir jusqu’ici (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Danemark et Suède), c’est celle-ci. On s’est habillés spécialement pour l’occasion, mais on n’a même pas eu de remise.
Par contre c’est un peu comme passer dans une autre dimension : sitôt les portes franchies, cette spécifique odeur de bois compressé et de cannelle nous accueille et on a l’impression d’être à Ikea Pacé. On a acheté le minimum, à peine plus. Les coussins étaient tout à fait nécessaires pour habiller notre tapis-canapé.
Ce qui est drôle, c’est qu’on est d’abord sortis sans le matelas pour lequel on y allait au départ, mais n’est-ce pas le propre d’Ikea ? D’y aller pour acheter quelque chose de particulier et d’en ressortir avec un tas de merdouilles imprévues ?
Au fond à droite, un enfant HS, même en finissant les journées à 15h15.
« Regarde c’est si beau ce matin, moi je vais me baigner ! » me dit Achille. C’est vrai qu’il fait beau, mais l’eau est toujours à 15°C. Il se baigne un temps non négligeable, puis nous rangeons la cabane et chargeons nos affaires dans la voiture. On se demande comment on a fait pour amener toutes nos affaires depuis la France, vu la difficulté à ranger les seules affaires qu’on a pris pour le week-end (le reste étant déjà dans l’appartement qu’on récupère lundi).
Nous retournons à la cantine pour déjeuner. Au menu: bouillabaisse, boulettes de viande ou escalope milanaise (qui nous rappelle celles qu’on trouvait partout en Argentine) avec des patates et des légumes, et en dessert de la salade de fruit, surmontée d’une sorte de chantilly au chocolat, que les enfants se sont servi comme un dessert à part entière.
Après une jolie promenade à travers le cimetière et les maisons en bois colorées, nous avons pris la route en direction de l’hôtel Scandic qui se trouve à Nokia, près de Tampere. Le grand luxe, avec une chambre pour nous quatre, nous avions les entrées à la piscine digne d’un center parc et le petit déjeuner avec à peu près tout ce qu’on veut (sauf le temps de le finir avant de partir à l’école le lundi matin).
Aïe aïe aïe ça y est le décompte des jours n’est plus régulier et continu, les bonnes résolutions d’articles quotidiens sont déjà loin…
Le week-end dernier, à Tampere, c’était le Blockfest, un gros festival de rap. Les logements restant étant hors de prix, nous avions pris l’option camping pour vendredi et samedi, puis hôtel avec piscine à Nokia (proche de Tampere) pour dimanche soir. Vendredi 15, après avoir récupéré Achille à l’école, et retrouvé casquette et chapeau au parc où ils avaient été oubliés, nous avons donc pris la route vers le camping de Toivolansaari, à Ikaalinen.
À l’arrivée nous prenons possession de notre cabane, faisons les lits et constatons l’absence de couverts et assiettes. On a un couteau. Ce sera roots.
Nous sommes sur une presqu’ïle, entourés d’eau et d’arbres. Le lac est à 20 mètres, l’aire de jeux à 2 mètres et le bar à 10. Je casse le suspense tout de suite, oui, nous étions aux premières loges pour l’ambiance « Boris et l’élection de miss camping » de la soirée. Les tubes finlandais se sont enchaînés, accompagnés par ceux qui ont poussé la chansonnette comme on le ferait sur « Les démons de minuit ».
Le samedi matin, on ne déroge pas aux traditionnelles crêpes, faites pour l’occasion sur les plaques chauffantes de la cuisine collective. Cela demande de s’adapter à chaque fois à la capacité de chauffage de l’outil. Maxime est passé maître dans le domptage / réglage permettant – presque ‒ d’éviter la catastrophe de la première crêpe brûlée. Dans la cuisine, il y a un monsieur Letton. Il travaille pour une grosse entreprise possédant un brevet pour faire des chapes de betton de 12 cm d’épaisseur, à destination des entrepôts commerciaux. Il nous dit combien il aimerait arrêter de voyager pour le travail, que ce qui est important pour lui est d’être avec sa famille, et qu’il a l’impression d’être un lapin qui doit courir tout le temps. Maxime lui offre une crêpe pour accompagner son café.
Il se met à pleuvoir, les enfants partent jouer dehors. La pluie, jusqu’à maintenant, est assez particulière; c’est comme si les nuages s’essoraient d’un seul coup pour ensuite se reposer, avant de recommencer quelques minutes plus tard.
Matinée dans la caban, avant d’aller manger au Ravintola Sofia à Ikaalinen, qui se trouve être le restaurant de la maison de retraite. C’est comme une cantine, on paie 36€ pour quatre (comme dans tous les buffets où nous sommes allés depuis notre arrivée), et on se ressert autant de fois qu’on veux. Ce midi c’est poisson ou bœuf en sauce, avec de la purée et des légumes, des crudités en entrée et de la compote en dessert. Ainsi que le café filtre habituel, l’espresso étant rare ici, pour finir le repas.
Après le déjeuner, nous avons fait le tour de la presqu’île. Maxime a sorti sa grosse parka et son bonnet, je me demande bien ce qu’il va porter quand il fera -25°C.
La forêt en cette saison est un vivier de baies et de fleurs. Nous avons croisé des framboises, des airelles, des groseilles, de la balsamine géante. Les températures ont radicalement baissé, il fait 11 degrés,
Tous les jours après l’école, Achille joue aux fléchettes dans le jardin à côté.
Il y a des robots qui font des livraisons et qui attendent pour traverser la rue. En plus certains enfants parlent avec leurs parents à travers leur montre connectée.
Dans les parcs, il n’y a pas d’âge d’utilisation indiqué. Il y a un panneau qui donne pour consigne de ne pas aider un enfant à monter sur les jeux, car celui-ci y parviendra dès qu’il en aura la capacité.
Les conducteurs sont très respectueux du code de la route et s’arrêtent dès qu’un piéton ou qu’un vélo approche à 2 ou 3 mètres d’un passage piéton. Sans rire, alors que je pense être une conductrice prudente, j’ai vraiment eu l’impression d’être une chauffarde les premiers jours.
Au centre commercial, il y a un espace nurserie, pour les bébés et les jeunes enfant. C’est calme, on y trouve tout ce qu’il faut pour changer son bébé, pour réchauffer un plat et il y a des tentes pour allaiter.
Pour être tout à fait transparents, cette semaine a vu une phase baisse de moral se généraliser à l’ensemble de la troupe, pas longtemps, mais suffisamment pour le souligner.
Achille a connu sa première déconvenue à l’école avec une maîtresse qui l’a grondé en finnois car elle pensait qu’il faisait exprès de ne pas lui répondre. Ses deux maîtresses sont venues à son secours et il a reçu des excuses, mais il était tout bouleversé. Solal fait de grosses colères quant à lui, il ne comprend pas très bien où on va aller après le air bnb. Compliqué pour un petit de 4 ans de comprendre qu’on va habiter dans un autre appartement mais qu’on reviendra à Cesson, et qu’on fait nos sacs pour aller ce week-end au camping puis à l’hôtel en attendant de déménager…
Quant à nous, après avoir trouvé l’appartement et obtenu un rendez-vous à la banque on pensait être plutôt bien partis. Mais c’était sans compter la fameuse authentification forte nécessaire pour toutes les démarches d’assurance, de contrat d’électricité, de téléphone, d’accès à l’espace numerique de l’université, de gestion du planning de la paiväkoti de Solal, pour l’inscription au judo, acheter des meubles et des vélos d’occasion, etc.
Maxime s’est donc rendu à la banque. La banquière ouvre le compte mais lui dit que ce n’est pas possible de faire la démarche pour l’authentification, car il faut une carte d’identité finlandaise. Après avoir insisté et demandé aux supérieurs, finalement, c’est bon. Mais les papiers seront envoyés sous 2 semaines par courrier, à l’adresse du air bnb, qu’on quitte 3 jours après. Aucun moyen de les envoyer autre part, car c’est l’adresse déclarée qui fait foi. Le lendemain matin Maxime retourne au DVV pour changer l’adresse, il remplit consciencieusement un formulaire en finnois pour le changement d’adresse pour finalement se rendre compte qu’il existe également en anglais.
Ça avance, on aura donc notre authentification forte normalement d’ici 2 semaines. En attendant on ne peut ni assurer le logement, ni ouvrir de contrat d’électricité. Il faut faire avec.
Et puis dans les rues il n’y a pas de chats. On en a vu un seul en laisse et d’autres dans un bar à chats. Et ça mes amis, c’est terrible.